Léandre est actuellement en stage international au Guatemala.
N’hésitez pas à soutenir son expérience et les autres stages prévus cet été ! Ils·Elles ont besoin de vous !
Au terme de ma quatrième semaine de stage, je trouve quelques heures de libre après un repos bien mérité pour vous partager la suite de mon expérience.
Echange et formation
Mon père m’a un jour fait lire un adage que je n’ai jamais oublié : « L’influence d’un bon professeur ne peut jamais être effacée ». Persuadé que chaque rencontre est une opportunité d’apprendre et d’enseigner, je considère que l’échange international constitue un apprentissage mutuel, à la fois instructif et productif. C’est dans cet esprit que j’ai dispensé plusieurs formations à l’équipe des Bomberos & Paramédicos qui m’a accueilli.

J’ai commencé par présenter les algorithmes et la pharmacologie CORFA pour qu’ils comprennent le système et la structure qui sous-tendent notre manière de travailler en Suisse même si bien entendu, il est trop compliqué de s’aventurer à leur expliquer les différences régionales et cantonales spécifiques que nous-mêmes avons parfois de la peine à percevoir. Par la suite, j’aurai l’occasion de leur donner une formation sur la cardiologie pour leur apporter des concepts et des notions de base qu’ils n’avaient pas, afin de les aider à s’améliorer dans la lecture d’électrocardiogrammes et la prise en charge des pathologies cardiaques. Évidemment, j’ai profité de mettre en lien ces thèmes-là pour leur fournir un contenu constructif.
Cependant, il va de soi qu’il s’agit d’un exercice d’une grande complexité. Premièrement, il est assez périlleux de s’improviser enseignant en étant encore étudiant, bien qu’eux me considèrent comme une personne de référence sur le terrain – Je vous parlerai plus en détail du positionnement d’étudiant durant ce stage dans mon prochain récit. Deuxièmement, il s’agit d’une tâche minutieuse de transmettre ses connaissances dans une langue étrangère tout en s’assurant que la matière soit correctement assimilée. De plus, nous avons également dispensé des cours BLS à des étudiants de l’université afin de promouvoir les gestes salvateurs dans un contexte où le temps est d’une valeur inestimable pour les situations d’urgence. Néanmoins, afin de faire honneur à cette devise, je me suis investi pleinement malgré la difficulté afin de leur offrir le meilleur apprentissage possible, en espérant que cela leur soit bénéfique à long terme.



Nous avons également eu l’opportunité de faire des exercices pratiques ensemble pour mettre en application les théories abordées. À cette occasion, j’ai pu constater qu’ils se débrouillent relativement bien malgré le peu de matériel à leur disposition et une formation bien plus courte que la nôtre. Parallèlement, j’ai découvert la diversité de leurs spécialisations en tant que pompiers : les feux de forêts (fréquents dans la région, surtout en cette période de chaleur et sécheresse extrêmes), les matières chimiques et dangereuses, le sauvetage en hauteur, l’USAR (Urban Search And Rescue, spécialité de recherches de victimes suite aux tremblements de terre et effondrements, également fréquents ici), le sauvetage aquatique en lacs et rivières, et enfin, le sauvetage sur montagne et volcans (également fréquents dans ce pays situé sur une chaîne de 37 volcans, dont 3 sont actifs). En plus de ces responsabilités, ils assurent encore les missions sanitaires, dans des conditions de vie et de santé au travail qui sont vraiment à des années-lumière de celles que nous connaissons en Suisse, avec une moyenne de 1,5 à 2 fois plus d’intervention que chez nous.
Conflit culturel
Jour après jour, je suis confronté à des différences de plus en plus marquantes, auxquelles il est parfois difficile de s’habituer. Par exemple, ici, encore plus que chez nous, toute prise en charge ne termine pas aux urgences. De nombreux soins sont réalisés à domicile ou à la clinique de la caserne afin d’éviter une surcharge des hôpitaux.
« Toute ma vie je me suis senti d’ailleurs, et je n’ai jamais été de là où je suis »
Gad Elmaleh
En revanche, quel fut mon étonnement lors de transports de patients à l’hôpital de constater l’absence partielle, voire totale, d’un élément crucial d’une prise en charge : les transmissions. La plupart du temps, lorsque les cas sont stables, les patients sont simplement déposés à l’entrée et annoncés à la réception. Dans de plus rares cas, lorsque des soins ont été procurés ou que les cas sont instables, les transmissions se limitent à citer le problème principal du patient et quelques éléments d’anamnèse. De plus, le rapport d’intervention (papier) n’est jamais transmis à l’hôpital ; il est uniquement conservé dans les dossiers de la station pour garder une trace des patients pris en charge. De quoi faire peur à nos transmissions qu’on se tue à perfectionner afin d’assurer le meilleur suivi médical possible.


Par ailleurs, nous sommes également habitués à être très prudents avec la prise de photos en intervention par souci de confidentialité et de protection des données. Concept qui n’a encore pas fait ses preuves outre-Atlantique de toute évidence car cela ne pose ici aucun problème de prendre des photos de toutes situations, graves ou non, probablement car ils ne sont pas soumis à un organisme médico-légal autant important que chez nous. Cette approche comporte à la fois des avantages, notamment en termes de valorisation pédagogique de certains signes cliniques, et des inconvénients, tels que la diffusion d’images de scènes traumatiques, comme des morceaux de cerveau éparpillés sur la route ou des agents de police tués en intervention, dans le but de partager des expériences professionnelles.



Étant moi-même originaire du Guatemala, j’y étais venu plusieurs fois durant mon adolescence pour rendre visite à ma famille. Cependant, j’étais loin d’imaginer l’ampleur des défis auxquels on pouvait être confronté en pratiquant dans ces conditions. Cette expérience m’a apporté une gratitude et une humilité inestimables, tout en faisant face à la contradiction d’être dans mon pays d’origine et de, par moments, me sentir d’ailleurs sans vraiment être de là où je suis.
Il me reste deux semaines de stage avant de revenir dans ce qui maintenant me paraît un contexte de travail bien confortable mais bien lointain. Je me réjouis de vous emmener avec moi pour mes derniers services de 48h au Guatemala.
À bientôt.
Léandre Abbaro
Étudiant ambulancier 3ème année
Service de la Protection et de la sécurité de la Ville de Neuchâtel
Centre de formation médicale Medi – Soins ambulanciers, Berne
