Préface par Florian Ozainne, enseignant à l’ESAmb et membre du comité
Dès les premières années de la formation (CRS, 1999), les étudiantes et étudiants ont été invités à organiser et réaliser des stages à options. Centre des grands brûlés au CHUV, Quai neuf à Genève ou à l’étranger, autant de lieux et destinations sortant du cadre habituel. À cette période, j’ai eu la chance d’être référent de différents stages, notamment au Honduras et à Londres. La réforme du programme a malheureusement fait disparaître ces stages si riches, permettant de personnaliser son expérience en fonction de ses centres d’intérêts.
Par la suite, plusieurs étudiant·e·s sont tout de même partis à l’étranger, sur leurs vacances, pour découvrir d’autres facettes du métier, dans un système de santé différent. Corinne Reynard réalise alors un stage au Guatemala, couplé avec son travail de diplôme portant sur la question de la douleur. Elle donnera une suite à cet élan en participant à la création l’association Ambulancières.ers en Terres d’Ailleurs et en sera la première présidente. Aujourd’hui en voyage autour du monde, elle participe activement au retour des stages à l’étranger dans la formation, cette fois soutenue par Movetia (agence nationale pour la promotion des échanges et de la mobilité au sein du système éducatif).
Ambulancières.ers en Terres d’Ailleurs offre également un soutien financier aux étudiant·e·s (on y reviendra prochainement).
Depuis lundi 22 août, Tim Blattmann, étudiant de 3ème année, est en stage à Guatemala City dans l’équipe des Bomberos de Santa Isabel, Villa Nueva.
Ce premier article proposé par Corinne Reynard revient sur le travail en amont ainsi que la genèse de ces stages.
Article de Corinne Reynard
Stage pré-hospitalier dans la ville de Guatemala City
Il y a 20 ans, je mettais les pieds pour la première fois au Guatemala. Un pays situé en Amérique centrale, entre le Mexique, le Honduras et le Salvador. Sa capitale, Guatemala City, accueille aujourd’hui plus de 4 millions d’habitants.
Ce voyage de plusieurs mois avait à l’époque pour but d’apprendre l’espagnol. Ce pays riche en histoires et en traditions m’a beaucoup plu et, les années qui ont suivi, j’y suis retournée de nombreuses fois. Non seulement pour apprendre à le connaître; mais aussi pour y retrouver les amis rencontrés.
C’est ainsi que j’ai rencontré la famille qui me loge ici depuis toujours. Il y a plus de 12 ans, durant mes vacances d’été, je décide d’effectuer un stage en ambulance dans le cadre de mon travail de diplôme de l’École Supérieure de soins Ambulanciers de Genève. Celui-ci traitait de la prise en charge de la douleur, sans autre outil à disposition que le savoir être; en résumé, le relationnel (les médicaments étant à cette période totalement inexistants en ambulance; ceci par manque de moyens).
J’effectue donc un stage de six semaines dans un quartier défavorisé de la ville de Guatemala City. Plus exactement à Saint Miguel Pétapa où se trouvent trois casernes de pompiers. Les ambulanciers présents à cette période sont pour certains professionnels, et pour d’autres volontaires.
Face à un quotidien bien différent de mes habitudes ainsi que des conditions de vie que nous ne connaissons en Suisse, les prises en charge totalement nouvelles requièrent de grandes qualités humaines, puisque qu’il n’y a aucun autre moyens de soulager la douleur des patients que le savoir-être. Cela suscite chez moi un grand intérêt en terme d’apprentissage.
Je me retrouve confrontée par exemple à des plaies par balles, des amputations par machettes et couteaux. Des maladies graves non soignées et non suivies, telles que des nécroses dues au diabète, des accouchements inopinés sans suivi médical, des traumas crâniens, fractures diverses et plaies importantes. Ceci majoritairement dû aux nombreux accidents de la route; collisions/chutes de motards sans casque (parfois même à trois sur une moto, enfants compris) ou encore impliquant des voitures dénuées de ceintures de sécurité et ne possédant pas d’airbags.
Cette expérience fut incroyablement riche en découvertes; autant humaines que techniques. Intervenir sur ce type d’interventions, qui plus est sans le matériel nécessaire, a été une incroyable expérience qui est restée gravée dans ma mémoire et qui m’a suivie tout au long de ma carrière professionnelle. Elle m’a apporté de la confiance en moi et a également développé ma capacité à improviser avec les moyens du bord. Elle m’a aussi permis de me rendre compte à quel point nous avons de la chance de vivre et de travailler en Suisse en terme de santé publique.
Début septembre 2021
Florian Ozainne, enseignant à l’École Supérieure de soins d’Ambulanciers de Genève me contacte pour m’informer que Tim Blattmann (parlant parfaitement l’espagnol, condition sine qua non pour pouvoir vivre cette expérience) est intéressé à partir pour un stage de début de troisième année au Guatemala.
Nous étions déjà retourné à San Miguel ensemble dans le cadre de l’association Ambulancier-ères en Terres d’Ailleurs en vue de stages potentiels.
Lisez ici le récit de ces premiers contacts en 2014
Je décide donc immédiatement de démarrer les démarches pour pouvoir réaliser ce souhait. Le projet alors présenté est à la direction de l’école est rapidement validé par cette dernière.
Octobre 2021
Après de nombreuses démarches administratives, l’école obtient des subventions de Movetia. Je suis aussi rémunéré par l’école pour le travail d’ouverture du stage. Ambulancier-ères en Terres d’Ailleurs accepte également de soutenir Tim financièrement.
Parallèlement à ces démarches, je me replonge dans la vie guatémaltèque. Je lis, je me documente, je recherche un nouveau lieu de stage. Celui-ci doit correspondre aux attentes de l’école. Une bonne équipe de professionnels en qui je peux avoir confiance, une caserne ouverte 24h sur 24h, des véhicules un minimum entretenus et les qualités humaines requises pour accueillir un stagiaire.
Pour la réalisation de ce projet, il me faut non seulement un lieu de stage, mais aussi un lieu d’habitation sûr et agréable ainsi qu’un chauffeur privé pour se rendre à la caserne. Celle-là se trouve à une heure de route dans une région défavorisée et donc potentiellement dangereuse. Connaissant bien cette région, la sécurité est le mot d’ordre pour l’organisation et la réalisation de ce stage.

Finalement, grâce à un contact de confiance (un ami ambulancier avec qui j’ai travaillé il y 12 ans à la caserne de San Miguel Petapa) je suis dirigée vers la caserne de Villa Nueva.
Je prends rapidement contact avec le commandant de la caserne des pompiers. Il accueille le projet avec enthousiasme et motivation. Il semble ravi de participer à la réalisation de ce premier stage de l’École Supérieure de soins Ambulanciers de Genève.
La caserne comprend deux véhicules de pompiers: une moto-pompe et un véhicule de secours (un camion tonne), ainsi que trois ambulances. Les « paramedicos » travaillent comme Ambulancier et Pompier.
Au même titre que les autres étudiants de troisième année en Suisse, le stage débutera le 22 août à la reprise scolaire et se terminera fin octobre.
Mai 2022
Ça y est, il ne reste plus que quelques détails à régler. Le rendez-vous est pris: nous nous retrouverons le 20 août à Antigua Guatemala dans l’appartement que je lui ai réservé et où il pourra se ressourcer dans ses moments de congés.
Le lieu est sûr, chaleureux et confortable. Il est tenu par la famille qui m’a accueilli 12 ans plus tôt. J’ai donc toute confiance en eux et je sais qu’il sera aux petits soins dans cette famille guatémaltèque avec qui j’ai noué une solide amitié depuis plus de 20 ans.
Les mois qui ont suivi m’ont permis de prendre contact avec un chauffeur (qui n’a pas été facile à trouver). Mais aujourd’hui cette personne a toute ma confiance et sera quotidiennement avec Tim pour effectuer les trajets de Antigua à Villa Nueva. (Environ une heure de trajet pour se rendre dans la banlieue de Guatemala City).
La dernière démarche fut de demander que les habits de travail soient prêts à son arrivée. Ceci, afin de de pouvoir travailler sans être remarqué et en toute sécurité.

Aout 2022
Tim arrive dans six jours; je suis pour ma part déjà sur place, ce qui va me permettre de préparer son arrivée avec les partenaires. Demain, je rencontre en personne le commandant de la caserne de pompier pour la première fois. Je me réjouis de cette rencontre ! Même si les nombreux contacts me donnent déjà l’impression de le connaître.
Je suis vraiment très heureuse que ce projet voie enfin le jour et sa concrétisation me tient beaucoup à cœur. Quel plaisir et quelle satisfaction de pouvoir participer à cette nouvelle approche de stage à l’étranger (hors Europe). Quelle chance de partager cette expérience unique d’ambulancier au Guatemala en tant que référente et de pouvoir suivre Tim une dizaine de jours sur le terrain, puis par vidéo conférence.
Je lui souhaite d’en apprécier chaque instant, de vivre pleinement la chaleur humaine que vont lui témoigner les habitants de ce si beau pays.

Corinne Reynard
Ambulancière ES
Vacataire à l’EsAmb en charge des stages Erasmus



