Bonjour à tous, 

Commençons peut-être par nous présenter, nous sommes Quentin, 21 ans et Aurélien, 26 ans, tous deux étudiants en troisième année à l’école supérieure de soins ambulanciers de Genève. Très tôt dans la formation, l’envie de découvrir une approche du monde préhospitalier différente de celle dont nous sommes habitués en Suisse s’est manifestée. Nous avons dès lors fait part de cette demande et de nos motivations à nos enseignants. 

Grâce aux contacts de l’un de ceux-ci : Florian Ozainne, nous avons l’opportunité d’effectuer un stage préhospitalier de deux semaines à la Croix Rouge Libanaise (CRL), à Beyrouth. Ce stage se réalise également grâce à l’implication de l’association « Ambulanciers – ères en terres d’ailleurs », pour laquelle nous avons la chance de pouvoir éditer des bribes de notre aventure. 


Nous avons posé les pieds sur le sol libanais dimanche 7 juillet à 15h pour la première fois, la chaleur et l’humidité présentes sont déjà étouffantes. Malgré une météo qui s’annonce tropicale, la ville de Beyrouth et ses habitants semblent accueillants et conviviaux.

Lundi 08.07, 10h00 :

Nous avons rendez-vous avec Diana, notre unique contact à Beyrouth. Elle commence par nous expliquer le fonctionnement de la Croix Rouge Libanaise. Certaines informations nous ébahissent : 

  • Des zones du pays ne sont absolument pas couvertes par des ambulances. Il arrive que les secours mettent plus d’une heure et demie pour arriver sur site (les déplacements stratégiques ne sont pas encore à l’ordre du jour au Liban). Pour pallier à ce manque, des « First Responders » sont formés dans le but de maintenir les fonctions vitales en attendant l’arrivée des professionnels.
  • Le ministère de la santé ne finance que 40% des besoins totaux de la CRL, le reste est financé par des donateurs privés. Ceci explique aussi pourquoi la majorité des intervenants préhospitaliers sont bénévoles. 
  • Seulement 20% des intervenants préhospitaliers sont rémunérés, c’est également ce 20% d’intervenants qui effectue le 60% des interventions préhospitalières de la Croix Rouge. 
  • Tout renfort aérien est assuré par l’armée. En effet, celle-ci détient le monopole des airs. Aucun engin non militaire est autorisé à voler dans les cieux libanais.

Diana nous montre ensuite les 42 algorithmes des ambulanciers libanais. Ces 42 algorithmes couvrent plus ou moins toutes les situations que l’on peut rencontrer en milieu préhospitalier (syndrome d’hyperventilation, accouchement, arrêt cardio-respiratoire, …). Les ambulanciers EMTs (100h de formations) ayant suivi le cours PHTLS sont mêmes formés à la décompression à l’aiguille du pneumothorax sous tension, à la pose de masques laryngés et de voies veineuses périphériques. Malheureusement, la législation libanaise actuelle ne leur permet pas de pratiquer ces gestes sur le terrain. 

Suite à cette présentation sur le mode de fonctionnement de la CRL, Diana nous invite à la suivre. Elle nous présente la centrale de régulation des appels. Autant vous dire qu’ils n’ont rien à envier à la Suisse. Modernité, précision et abnégation sont les mots d’ordre. Les ambulances sont pour la plupart géolocalisées et leur engagement est suivi avec rigueur. 

17h30 :

Nous arrivons à la centrale du secteur 102, celle de Gemmayzeh. Nous sommes chaleureusement accueillis par une équipe jeune et impatiente de faire notre connaissance. Immédiatement, nous faisons le tour des lieux et des ambulances. Nadim, éclaireur expérimenté, nous montre leur matériel et nous explique leur méthode de travail. En effet, un équipe conforme dans une ambulance libanaise comporte au minimum 4 personnes :

  • L’ambulancier : le plus expérimenté, celui qui conduit l’ambulance et connaît parfaitement le secteur.
  • Le chef de mission (CM) : il est responsable des choix stratégiques et est leader de l’intervention.
  • L’éclaireur : il est directement auprès du patient et effectue l’évaluation et la prise de paramètres vitaux, qu’il transmet au CM.
  • Le bleu : il a reçu les cours BLS de base et réalise les tâches de soutien logistique telles que préparer le brancard, amener le matériel et effectuer les gestes BLS (RCP p.ex.)

C’est un système hiérarchique où il est obligatoire de passer par tous les grades. L’ambulancier a en moyenne 4-5 ans d’expérience durant lesquels il a effectué le rôle de bleu, éclaireur puis CM. 

Les interventions couvertes par la CRL sont de deux types : les « missions » qui consistent soit à ramener un patient d’un hôpital à un domicile, soit de transférer un patient d’un hôpital à un autre. La deuxième catégorie : les « urgences », similaires à celles rencontrées en Suisse. 

Puis, nous rencontrons le chef du secteur 102. Nous nous présentons à lui et rapidement, il nous explique la tradition du secteur, qui est de surnommer les volontaires. Aurélien deviendra dès lors Augustin et Quentin sera Seguin … quelle joie. À la suite de cela, il nous propose un match de babyfoot pour nous souhaiter la bienvenue. Nos deux adversaires surentraînés nous laminent lamentablement 5-0 … la tradition veut alors que nous rampions sous la babyfoot en gage de notre défaite, tout cela sous les rires de l’équipe.

Nous passons donc cette première nuit avec ces libanais qui, il faut le préciser, sont tous volontaires. Ils ne gagnent absolument rien pour le temps qu’ils investissent dans leurs gardes. Les interventions sont variées : des cas médicaux et traumatiques. Nous réalisons alors que la patientèle libanaise est la même que la patientèle suisse. Les cas sont les mêmes : DRS, AVP, malaise avec PC, ACR, … La grande différence réside dans la prise en charge et surtout la stratégie de prise en charge. En effet, comme ils n’ont absolument rien pour traiter sur place, le « load and go » est de rigueur pour absolument toutes les interventions.

Et malgré le manque de matériel et le peu de formation qu’ils ont, les prises en charge restent d’une qualité sans pareille. Nous sommes à chaque fois épatés de la justesse des gestes et des contrôles effectués. Ils savent ce qu’ils font. 

Entre les interventions, nous avons pu assister à des cours de formation continue donnés par les éclaireurs aux bleus. Ils portaient sur le diabète et l’oxygénothérapie. La physiopathologie était juste, les questions étaient pertinentes, les conséquences de l’oxygène sur le métabolisme étaient sues … en bref, encore une fois, ils savent ce qu’ils font. 

Mercredi 10.07, 6h00 : 

Nous finissons notre deuxième garde. Cette nuit encore, l’expérience fut enrichissante. Nous avons, tout comme la veille, fait connaissance avec des gens motivées et passionnées qui se sont montrées extrêmement chaleureuses envers nous. Notre savoir est réellement valorisé ! Souvent, l’équipe nous demande si leurs actions sont justes, si la stratégie nous paraît appropriée ou encore si les examens cliniques sont complets. Évidemment, nous prenons plaisir à leur certifier que leurs prises en charge sont exemplaires et nous ajoutons volontiers quelques examens cliniques qu’ils ne connaissent pas. 


Ce soir, nous ferons notre troisième garde. Nous prenons énormément de plaisir à rejoindre ces bénévoles et à apprendre en leur compagnie. 

Voilà ce qu’il en est de ces deux premiers jours de stages, riches en émotions ! Nous nous sentons intégrés et appréciés par ces gens que nous connaissons seulement depuis deux jours. La suite de notre aventure vous sera contée d’ici quelques jours au vu des soirées et des activités socio-culturelles auxquelles nous sommes conviés.


Quentin et Aurélien AKA Seguin et Augustin

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