Ougadougou – Bobo-Dioulasso

Mercredi 29 janvier 2014

Contraste
Ce matin, la baignade dans la superbe piscine de l’hôtel, nous le savons pas encore, est à savourer jusqu’à la dernière brasse.

En effet, le planning de la journée, sera riche en agréables attentes sous les manguiers, de discussions mécaniques et pneumatiques.

Au début, en bon suisse réglé comme une horloge neuchâteloise, 11h00 c’est 11h00. Mais on se met vit dans le bain de cette douce nonchalance africaine.  Nous avions prévu de partir à 6h00 du matin pour rallier Bobo-Dioulasso avec l’ambulance de l’association Burkina Secours  qui est à Ouaga pour un grand service. Afin d’éviter de faire venir quelqu’un de Bobo pour rapatrier cette dernière, on nous propose de descendre avec. La veille, on nous informe, que les pneus sont fatigués et qu’il faut encore régler quelques formalités d’assurance. C’est finalement à 13h00 que monsieur Bargo vient nous chercher, comme à l’accoutumée, arborant un large sourire.

14h00 : colloque sur le changement de courroie (laquelle ?) et des pneus avant, en fin de vie.
14h30 : sous les manguiers pour attendre les pneus
15h30 : arrivée de pneus … pas la bonne taille !
15h35 : Mme la présidente … chauffe sous le soleil. Il est décidé, unilatéralement, que l’ambulance sera livrée à notre hôtel.
16h00 : piscine
17h00 : arrivée de l’ambulance avec notre mécano épuisé par trois jours de labeurs.
17h30 : départ, enfin, vers Bobo.

Garage

Mr Baro nous guide, hors de la ville, soleil couchant dans une atmosphère digne d’un western. Il s’agit de faire le plein avant notre périple d’environ 400 km. 100 litres dans le Renault Master devraient faire l’affaire.

17h41 : à 10 km de Ouaga, roulant à 70 km/h le moteur s’arrête net avec 3 voyants lumineux fraîchement allumés (STOP, SERVICES, Pictogramme moteur) ! Colloque d’urgence et première évaluation : huile ? Fumée suspecte ? Niveau d’eau ? Fuites diverses ?

Staff technique en mode diagnostic.

Le staff technique, composé d’un bricoleur de boguet (une grosse expertise en carbu 15 Del’Orto et pignon 18) et d’un autodidacte en golf II (spécialisation boite de vitesse/fil de fer) conclue qu’il faut continuer direction Bobo.

Le goudron est de bonne qualité. Il faut décoder la communication non verbale de nuit par phares interposés. Un coup de grands phares à 700 mètres veut dire «  j’arrive », à 300 mètres «  j’arrive vraiment et je peux pas freiner », à 50 mètres, la mise en route  du clignotant bâbord confirme définitivement que tout le monde est conscient de la présence de l’autre.

Pour éviter « le mauvais goudron » avant Boromo, on tire une droite par Koudougou – Dédougou (Carte http://goo.gl/maps/zu54A).

La gestion de la panne moteur alternative se gère maintenant à 90 km/h. Procédure : débrayage, couper le contact, redémarrer … et c’est repartit ! (on ouvre un forum pour la diagnostic de panne).

La route est superbe, la voûte céleste est … céleste ! Arrivé dans les faubourgs de Dédougou, on prend contact avec notre routeur, Ibrahim, qui nous attend au « giratoire » pour nous indiquer la suite de la route. Au milieu de nulle part, le sourire franc, profondément humain, d’une chaleur à dégeler le pôle nord, Ibrahim nous indique la route à suivre. Pour le remercier on dégaine deux de  nos plaques de choc M-Budget-qui-fond-pas.

Minuit: Place de la femme à Bobo.

L’entrée de Bobo est quelque peu brumeuse mais Mathieu, conducteur niveau ** (intermediate  level of moteur qui s’arrête tous les dix Km) maîtrise l’approche finale.


Jeudi 30 janvier 2014

Le transfert initialement prévu (de Bobo à Ouahigouya) est abandonné au vu de l’heure tardive de notre arrivée la veille.  Aujourd’hui nous avons donc rendez-vous avec Oliver et Léa pour discuter gestion opérationnelle de Burkina Secours. La visite de la base nous fait prendre conscience de leurs besoins. Au delà des difficultés de cette association, le potentiel est immense.  Salle de cours, chambres de garde, garage, place de lavage, bureaux. Une surface qui ferai rêver n’importe quel service d’ambulance en Suisse romande.

Le retour vers l’hôtel est assuré par Michel, secouriste.

Bobo-Dioulasso : état des lieux

Jeudi 30 janvier 2014

Remis de notre nuit de convoyage, nous avons rendez-vous avec Olivier, responsable opérationnel de la base de Burkina secours à Bobo et Léa, déléguée par le Bureau COGENT, qui s’occupe depuis peu, de la gestion administrative, financière et des ressources humaines. En effet, la situation est complexe.

L’association Burkina Secours a été créée en 1972 par Alain Sagnol, alors missionnaire français (ordre). De nombreuses personnes que nous allons croiser durant les prochains jours, témoignerons toutes des ses compétences techniques, d’enseignement et de son altruisme sans borne. En revanche, la gestion administrative et financière, semble être laissée aux bons soins du créateur.

L’équilibre financier de Burkina Secours dépendant entre autre de l’activité de dépannage, notamment  par l’intermédiaire d’un camion possédant de multiples atouts (qu’ils sont seul à proposer dans la région) : capacité de levage à l’aide d’un treuil, matériel de désincarcération. En panne depuis plusieurs mois, ce secteur d’activité bénéficiaire permettait de compenser, une partie des impayés du secteur ambulance, à vocation plus sociale.

Dès que nous abordons la question du nombre de désincarcération et de l’importance de ces moyens, il est fait référence à un accident survenu le mois passé pour illustrer sa fonction cruciale dans la région. Dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 janvier 2014, aux environs de minuit, un car de transport de passagers est entré en collision avec un camion de transport de marchandises dans le village de Kari, localité située à 25 km de Dédougou sur l’axe Dédougou-Bobo, faisant vingt morts et une dizaine de blessés évacués. Le camion grue de Burkina Secours étant en panne, aucun moyen suffisamment puissant, pour soulever le car,  n’était rapidement disponible, l’accès aux blessés fut considérablement retardé. Il est évidemment impossible de dire quel impact sur le nombre de mort cela aurait eu, mais touts sont d’accord pour dire que cela a rendu leur travail très difficile.

Malgré cette situation précaire (financière, matériel) la motivation de tous reste intact.

A la fin de cette discussion, qui commence à nous faire mesurer l’étendue des besoins, il est décidé de poser trois objectifs de collaboration possible :
– Formation
– Matériel (véhicule / matériel de soins / désincarcération et éclairage)
– Médecine d’entreprise (vaccination, suivi sérologique des employés).


Vendredi 31 janvier 2014

Ce matin rendez-vous à 10h00 avec Michel et Bembara pour une journée de garde ambulance. Tout d’abord il faut aller s’annoncer à la brigade nationale des sapeurs pompiers (BNSP), que l’ambulance est disponible pour les urgences. En effet l’ambulance que nous avons convoyée depuis Ouaga va permettre la reprise progressive des gardes pour les urgences, en suspend depuis quatre mois lié aux difficultés financières et mécanique du service.

Accueil sympathique mais très formel : «  mon adjudant chef, nous sommes disponibles pour les urgences la ! ». A cinq dans le Renault Master du Limousin, on est prêt à partir. Matériel à disposition : une planche, un brancard, trois attelles, une minerve, des compresses, trois bandes élastiques et le compte est bon ! Du BLS y’a que ça de vrai !

Le Renault Master devant la mosquée de Bobo-Dioulasso.

La visite de la caserne par un des sapeur pompier met également en évidence le manque de moyens. Ceci ce traduit par la présence de nombreux véhicules hétéroclites :
– un camion d’extinction offert par Taiwan
– quatre ambulances offertes par la France (dont deux vieux J7 servant de décoration au bord du terrain de sport).
– Une ambulance Ford, offerte par la Ville de NYC (en panne …)
– deux motopompes offertes par la ville de Genève !

Seule deux ambulances sont en état de marche, presque neuve, ces Toyota sont des dons Monégasque. L’équipement intérieure est pour le moins rudimentaire : un brancard, un sac d’intervention avec minerve, attelle, compresse.  Pas d’oxygène… trop cher !

La visite de la centrale téléphonique est … déconcertante. Deux sapeurs pour quatre téléphones.
– «  driiiinnnng »
– « allo pompier »
– « …. »
– « allo pompier »

Le sapeur raccroche. Toutes les 30 secondes un téléphone (en moyenne 2500 appel / jour).

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Centrale téléphonique de la BNSP.

On nous explique que la majeure partie des ces appels, gratuit (N°18), servent à tester les téléphone portable fraichement rechargé en crédit … !

Nous quittons la caserne des pompiers pour aller en direction de l’hôpital universitaire de Bobo pour y visiter les urgences et la maternité. Une ambulance des pompiers nous dépasse…

Michel, avec beaucoup de tact demande à Marie-Ange, sage femme, si la visite de la maternité est possible. Comme toujours au Burkina, en réponse à nos demandes saugrenues de Toubab (Personne à peau blanche) sourire magnifique, regard « qui dit bienvenue ». Pas besoin d’attendre la traduction de Michel pour comprendre que c’est oui.

Dans la cours devant l’entrée, une vingtaine de femme, assise au sol, attendent dans une odeur peu accueillante. Une fois dans les locaux, vétustes mais fonctionnels, on débute la visite par la salle de travail. Deux femmes, sous perfusion, gémissent alternativement. Dans la salle d’à coté une femme vient d’accoucher. Emotions partagées entre la joie de la beauté de la naissance et du miracle de la vie et amertume connaissant le taux de mortalité infantile (79.8 pour mille naissances. Suisse = 4.03) et à l’idée  des difficultés qui l’attendent (PIB/habitant en dollar US) Suisse = 43,900 Burkina = 1500 espérance de vie Suisse = 81 ans, Burkina = 54 ans). Mais qui sais on a peut être devant nous le Nelson Mandela Burkinabé. L’amertume fait place à l’espérance que cette force vives puisse contribuer un jour à la prospérité de ce pays.

La visite des urgences fait réfléchir sur la capacité d’accueil des patients graves. Le box de « déchoc » est composé d’un lit d’examen, un scialytique et d’armoire… qui semble bien vides.

Ici, comme dans beaucoup d’autre pays émergeant, les soins ne sont effectués que si le patient, la famille peut payer les soins. Quid des urgences vitales ?  idem semble-t-il.

Alors une question de légitimité de notre projet me traverse l’esprit ? A quoi bon développer le système pré hospitalier si la suite des soins n’est pas assurée, que les besoins élémentaires comme la nutrition, l’éducation, la santé ne sont pas garantis.

Ici il y a pléthore d’association, ONG, agences onusiennes qui se soucient de ces aspects (bien sur le travail reste immense). En revanche, si avoir des ambulances paraît une évidence, former les ambulanciers reste un secteur d’activité oublié.

Après un repas dans l’hôtel « aux deux palmiers », on retourne à la base de Burkina secours. Objectif : atelier BLS avec Battle Burkina – Suisse.  Deux scénarios nous permettent de mesurer les acquis de nos deux collègues. Certes, des mises à jour sont nécessaires mais les bases sont solides, la motivation sans limite.

Puis un intense débat, autour des techniques de relève, va occuper la fin d’après midi. Pont, pont amélioré, pont néerlandais, matelas coquille ou log roll, planche ? L’influence Franco-française est plus que palpable.

On partage sur nos expériences respectives, on discute adaptation en fonction du contexte (genre 4h00 de piste, la planche ça va pas le faire) puis on customise leur planche avec des sangles empruntées sur un vieux brancard.

Un moment rare de proximité, hors du temps, qui n’a pas de prix. Une ambulance de la BNSP passe… Michel, dépité, nous regarde avec un air mi-désolé mi-agassé. On ne sortira pas de la journée.

F. Ozainne

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